28 février 2023 — La glace était solide et le soleil brillait dans la matinée du 18 février. Au large des rives de Beauharnois, juste au sud-ouest de Montréal, on pouvait voir, et très certainement entendre, un nombre surprenant de motos décoller d'un point fixe de l'horizon enneigé à un autre. Des amateurs locaux de pêche sur glace, des randonneurs et même des cyclistes se sont rassemblés sur le lac Saint-Louis glacé, comme s'ils étaient surpris par cette commotion qui aurait été absente n'importe quel autre samedi. Par contre, ce samedi-là était spécial.

Des empreintes de pneus et des remorques au loin ont d'abord servi à indiquer que la glace était sûre pour la conduite, mais l'atterrissage d'un avion Cessna 150G était d'autant plus rassurant. Plus près du site de l'événement, les pilotes ont commencé à débarquer sur leurs motos à pneus cloutés, et plusieurs motos de cross, 4x4, motoneiges et tricycles ont également été aperçus. Bien que ce fût un endroit pour les Harleys, aucun véhicule n'était exclu.

La moto tape-à-l'œil de l'organisateur Jesy Renaud, surnommée « Dada » (avant-plan), en hommage à son frère décédé.

Une tradition à graver dans la glace

Les courses automobiles sur glace existent depuis longtemps au Québec. C'est ce qui a donné à Jocelyn « Jesy » Renaud, mécanicien de métier et propriétaire de l'atelier de moto Classic Steel à Léry, l'idée de tenter sa chance sur 2 roues. Il a suffi d'installer quelques crampons dans chaque pneu pour le convaincre que la course de drag sur glace pouvait être un sport viable. Donc en 2019, lui et son partenaire Karine Rowsell ont décidé de former une compétition amicale avec une quinzaine de pilotes. C'est ainsi qu'est née la 1ère édition de Harley Drag, qui a attiré une foule de plus de 1500 personnes. Même si la pandémie a mis un frein à l'événement, chaque édition depuis la première attire de nouveaux venus et des participants aguerris, sans compter les pilotes qui adaptent, améliorent et innovent continuellement leurs motos pour cette occasion.

L'événement est non seulement unique au Québec, mais aussi au Canada. C'est le genre de rassemblement qui embrasse nos hivers difficiles et refuse d'endormir la passion pour les 4 à 5 mois d'hibernation des motos. Harley Drag on Ice s'exclame avec audace : oui, il existe des moyens créatifs de s'amuser sur une moto quand il neige ; il suffit de changer de perspective ! « Je suis heureux d'avoir réussi à faire un événement rassembleur Harley. Ça inspire aussi d'autres à faire des courses d'hiver », affirme Renaud avec encouragement.

Parfois, il ne s'agit pas seulement de savoir qui franchit la ligne d'arrivée en premier, mais d'avoir du bon fun.

L'objectif de Harley Drag n'est pas de conquérir les éléments ou de créer des espaces artificiels pour contourner le froid, mais d'embrasser un environnement et d'en tirer le meilleur parti. Plus important encore, l'initiative favorise l'émergence d'une communauté de motards qui pourra continuer à partager sa passion quelle que soit la période de l'année.

Moteurs brûlants, pneus mordants

À midi, le grondement des échappements a attiré une foule nombreuse aux alentours de la piste, alors que les coureurs se lançaient avec confiance dans leurs essais. Il a suffi d'une annonce depuis un poste d'observation improvisé pour que les pilotes se rassemblent au milieu de la piste. C'est là que Jesy Renaud et Karine Rowsell attendaient pour les présenter et annoncer le début de la course.

Une foule excitée attend la première course de la journée.

Les basses résonnaient aux sons rock'n'roll des années 70 et 80 alors que les deux premiers coureurs prenaient leur marque. Mais c'étaient des enfants ! Oui, une section de jeunes et une cérémonie de remise de médailles ont eu lieu en premier, avec des mini-motos de cross modifiées et leurs pilotes attirant autant d'encouragements que ceux de l'événement principal.

Lorsque les courses ont commencé, on ne pouvait s'empêcher de remarquer à quel point les pilotes avaient modifié leurs machines en vue d'une simple journée de course. On pouvait vraiment sentir que chaque moto était un projet passionné, et tout le monde était plus qu'heureux d'exposer le fruit de son travail. Qu'il s'agisse de bras oscillants allongés, de pneus avant plus petits, de fourches rigides et lourdes ou de clous massifs en saillie, chaque projet avait sa propre personnalité.

En fin de compte, et malgré les performances impressionnantes de Ben Desjardins (2e place) et de Jessy Riopel Carrière (3e), le trophée est revenu au nouveau venu Anthony Beaulieu Peuziat et à son FLH 05. Les entrevues ci-dessous ont été réalisées avec Peuziat et Carrière, qui ont tous deux apporté un éclairage supplémentaire sur les défis variés des courses de motos sur glace.

Anthony Beaulieu Peuziat

Source : Photographe PMV - Melanie Vachon

Venant de la Rive-Sud de Montréal, Anthony Beaulieu Peuziat, 28 ans, n'est pas étranger à la conduite et à l'entretien des motos. Il a commencé à rouler dès l'âge de 5 ans dans des compétitions de motocross, et à 7 ans, son père lui a appris la mécanique d'une Honda Z50 Minitrail.

Depuis, la passion constante pour les motos et les courses ne l'a pas quittée. Il a poursuivi sa formation en mécanique, et il est maintenant mécanicien chez Gencycle depuis environ 3 ans. « Contrairement à la plupart des autres coureurs, je fais mes affaires seul, c’est-a-dire que je n’ai pas d’équipe et je fais toute la mécanique moi-même sur ma moto », explique Peuziat. Ce qui est encore plus surprenant, c'est qu'avant cet événement, il n'avait jamais couru sur la glace.

Nous avons remarqué que de nombreux pilotes effectuaient des réglages sur place. Avez-vous eu à ajuster votre moto et avez-vous des commentaires à propos de sa performance pendant la course ?

J’ai fait quelques ajustements au niveau du carburateur sur mon Harley Davidson FLH 2005. Considérant que nous avons des pneus modifiés pour la glace, la pression n’est pas la même que celle lorsque nous coursons l’été. Par conséquent, j’ai dû effectuer des ajustements sur place. Par la suite, j’ai dû baisser mes fourches, puisque mon décollage avait toujours le nez dans les airs. L’important est d’avoir le meilleur départ possible. Donc, l’idéal est que le devant ne lève pas. Au niveau de la performance, je n’ai pas le plus gros moteur (107 ci), mais quand la recette est parfaite, on peut faire des miracles. Je crois que je peux attribuer ma victoire en grande partie à mes excellents départs.

Quels ont été, selon vous, les éléments clés en dehors de la piste qui ont contribué à votre succès dans cet événement ? Cette victoire est-elle aussi le résultat d'une collaboration avec Gencycle ?

L’élément le plus important pour la course sur glace est, selon moi, la fabrication du pneu arrière. J’ai passé environ 20 heures sur la fabrication de mes pneus. Ce qui aide aussi pour obtenir la victoire est de connaître sa moto, « être régulier comme une horloge ». Mes patrons de Gencycle m’encouragent et me commanditent quelques pièces, mais pour le reste, je fais tout moi-même dans mon garage personnel.

Peuziat (centre-gauche) avec l'organisatrice Karine Rowsell (centre-droit). Source : Photographe PMV - Melanie Vachon

Avez-vous des conseils personnels à donner aux motards qui souhaitent se lancer dans les courses de drag sur glace ? Comment quelqu'un pourrait-il s'essayer à un tel événement s'il a un budget limité ?

Durant l’événement, il y avait des motos qui étaient plus puissantes que la mienne. Donc, il ne faut pas penser que la puissance égale la victoire assurée. Il suffit d’avoir des bons pneus pour avoir la meilleure traction possible et être un bon pilote.

Les personnes ayant un petit budget devront passer beaucoup de temps dans l’atelier, tout comme j’ai fait. J’ai fait la fabrication du pneu arrière avec des clous usagés de motoneige au lieu d’acheter des clous à glace, ce qui est très dispendieux. Pour ce qui est de mon pneu avant, j’ai acheté des vis dans un magasin du coin et je les ai modifiées pour avoir la meilleure traction possible.

On peut aussi retrouver Peuziat en course à Napierville, et il est actuellement en train de construire une moto Pro Street avec un moteur Evolution. Nous attendons avec impatience d'autres performances exceptionnelles de sa part dans l'avenir.

Jessy Riopel Carrière

Source : Photographe Dan Langevin

Jessy Riopel Carrière, 33 ans, travaille depuis 10 ans comme mécanicien chez Motostation, le garage de son père. Né à Laval, mais ayant déménagé à Thetford Mines dès son enfance, Carrière a grandi en conduisant toutes sortes de véhicules, allant des 4 roues jusqu'aux mini choppers que son père lui construisait.

Pendant la compétition, on le trouvait sur son 1990 FLHTPI, vêtu d'un costume de lapin et d'un casque assorti aux oreilles de lapin. La foule n'a pas pu s'empêcher d'applaudir un peu plus fort chaque fois qu'il était sur la piste. Après tout, ce n'est pas tous les jours que l'on voit un lapin des glaces sur une Harley passer à toute vitesse !

Tout d’abord, il faut le demander, c’est quoi l’histoire derrière le costume de lapin ?

Bon la fameuse question pourquoi le lapin. Je me suis dit que ça allait être une bonne tactique pour déconcentrer mes compétiteurs haha. Je voulais faire rire le monde et détendre un peu l'atmosphère des courses. On se connaît pas mal tous les coureurs et je voulais les niaiser un peu. Et aussi me faire remarquer !

Le lapin de Pâques a l'air d'être en avance cette année.

Quelles modifications spécifiques avez-vous dû apporter à votre moto pour qu'elle soit performante sur la glace ? Suffit-il d'avoir des crampons de qualité, ou faut-il modifier d'autres composantes ?

Ma moto est une 1990 FLHTPI, un ancien bike de police. C’est ma moto pour dragger l'été : moteur 127pc que jai construit moi-même, un run nitro avec air shifter. J’ai modifié le bras oscillant ; j’en ai un de Yamaha que j’ai rallongé pour pas qu’il me lève dans la face. J'ai environ 200hp, mais c’est très difficile pendant l'hiver de faire mordre autant de hp. Mon pneu a des goujons Woody’s avec des vis Marcel Fournier que j'ai monté moi-même. Mais pour bien faire ça me prenderai un pneu plus large pour être capable d'en mettre 2 rangées de plus. Il y a toujours de quoi s'améliorer.

Racontez-nous comment vous avez débuté dans la course de motos. Qu'est-ce qui vous a attiré vers les courses drag en Harley, et plus particulièrement leur adaptabilité pour la course sur glace ?

J'ai commencé à courser pour savoir comment ma moto pouvait être compétitive avec les autres pour être la plus rapide. Mais la course m’a beaucoup aidé dans la vie. Si je ne me sentais pas bien, j’allais travailler sur ma moto pour me changer les idées. Ça me donne une raison de continuer à avancer et d'être de plus en plus meilleur et compétitif. La course sur la glace évolue très vite ; on est de plus en plus rapide chaque année. C’est très différent que sur l’asphalte, t’as beau avoir du moteur, mais si ça colle pas c’est bon à rien.

Dans l'ensemble, « l'événement s'est très bien passé pour moi, mais il y a toujours de l'ajustement. Je crois que bien du monde aimerait avoir une classe stock, ça donnerait une chance aux personnes avec des motos plus stock de courser plus. Mais à part ça, jai adoré. En espérant avoir plus d'événements et plus de compétiteurs l'an prochain », déclare Carrière, passionné de revenir pour plus de plaisir et de sensations fortes.

Une communauté en pleine expansion

Bien qu'il ne s'agisse pas de la première itération de HDROI, il est certain que la course a donné un élan bien nécessaire au motocyclisme d'hiver. La pandémie a changé beaucoup de choses, et a stoppé net certains projets prometteurs. Pourtant, la course drag sur glace est là pour rester. Nous espérons sincèrement que de tels événements contribueront à l'expansion de ce sport hivernal unique dans tout le pays.

Une chose est certaine : nous pouvons nous attendre à voir la même énergie débordante l'année prochaine. Bien que la course drag sur glace soit encore en train de se découvrir, elle est unique dans la façon dont elle transforme notre expérience de la moto. Elle prend une activité que nous aimons tous et la métamorphose en magie avec des choses très simples : du métal et de la glace.

Jesy Renaud (gauche) nous souhaitant la bienvenue juste avant les courses.

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